La Dispute - Scène 7

AZOR, ÉGLÉ.

ÉGLÉ, tâchant d’ouvrir la boîte.
Voyons ; je ne saurais l’ouvrir ; essayez, Azor ; c’est là qu’elle a dit de presser.

AZOR, l’ouvre et se regarde.
Bon ! ce n’est que moi, je pense ; c’est ma mine que le ruisseau d’ici près m’a montrée.

ÉGLÉ.
Ah ! ah ! que je voie donc ! Eh ! point du tout, cher homme, c’est plus moi que jamais ; c’est réellement votre Églé, la véritable ; tenez, approchez.

AZOR.
Eh ! oui, c’est vous ; attendez donc, c’est nous deux, c’est moitié l’un, moitié l’autre ; j’aimerais mieux que ce fût vous toute seule, car je m’empêche de vous voir tout entière.

ÉGLÉ.
Ah ! je suis bien aise d’y voir un peu de vous aussi ; vous n’y gâtez rien ; avancez encore, tenez-vous bien.

AZOR.
Nos visages vont se toucher, voilà qu’ils se touchent ; quel bonheur que le mien ! quel ravissement !

ÉGLÉ.
Je vous sens bien, et je le trouve bon.

AZOR.
Si nos bouches s’approchaient… (Il lui prend un baiser.)

ÉGLÉ, en se retournant.
Oh ! vous nous dérangez ; à présent je ne vois plus que moi ; l’aimable invention qu’un miroir !

AZOR, prenant le miroir d’Églé.
Ah ! le portrait aussi est une excellente chose.

(Il le baise.)

ÉGLÉ.
Carise et Mesrou sont pourtant de bonnes gens.

AZOR.
Ils ne veulent que notre bien ; j’allais vous parler d’eux et de ce conseil qu’ils nous ont donné.

ÉGLÉ.
Sur ces absences, n’est-ce pas ? J’y rêvais aussi.

AZOR.
Oui, mon Églé, leur prédiction me fait quelque peur ; je n’appréhende rien de ma part ; mais n’allez pas vous ennuyer de moi au moins, je serais désespéré.

ÉGLÉ.
Prenez garde à vous-même, ne vous lassez pas de m’adorer ; en vérité, toute belle que je suis, votre peur m’effraie aussi.

AZOR.
À merveille ! ce n’est pas à vous de trembler… À quoi rêvez-vous ?

ÉGLÉ.
Allons, allons, tout bien examiné, mon parti est pris ; donnons-nous du chagrin ; séparons-nous pour deux heures ; j’aime encore mieux votre cœur et son adoration que votre présence, qui m’est pourtant bien douce.

AZOR.
Quoi ! nous quitter !

ÉGLÉ.
Ah ! si vous ne me prenez pas au mot, tout à l’heure je ne le voudrai plus.

AZOR.
Hélas ! le courage me manque.

ÉGLÉ.
Tant pis, je vous déclare que le mien se passe.

AZOR, pleurant.
Adieu, Églé, puisqu’il le faut.

ÉGLÉ.
Vous pleurez ? eh bien ! restez donc, pourvu qu’il n’y ait point de danger.

AZOR.
Mais, s’il y en avait !

ÉGLÉ.
Partez donc.

AZOR.
Je m’enfuis.

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